Joe Paterno. Notre Hommage
Joseph Vincent Paterno (1926-2012) : mort d'un géant, d'une légende, d'un humaniste...
Que restera-t-il de Joe Paterno ? Le légendaire entraîneur de Penn State s'est éteint le 22 janvier 2012 à 9:25 am ET des complications d'un cancer des poumons au Mount Nittany Medical Center de State College, à quelques encablures de Beaver Stadium, le gigantesque stade de football de l'université où Joe Paterno a écrit les plus belles pages de l'histoire des Nittany Lions. Les chiffres parlent d'eux-mêmes mais la carrière de "Joe Pa" ne peut se résumer à un tableau noir couvert de X's and O's.
Que restera-t-il de Joe Paterno ? Ses pantalons retroussés et ses lunettes aux verres épais ? Sa démarche devenue chaotique avec l'âge et les conséquences d'une opération à la hanche ? Ses interviews langue-de-bois toujours ponctuées d'un bon mot à l'intention des journalistes ? Son inconditionnel engagement pour ses joueurs et son équipe toujours placés avant ses intérêts personnels ? Son éternelle fidélité à son université qui l'a retenu loin des sirènes de la NFL ? Sa longévité et son infaillible intégrité pour toutes les choses du College Football ?
Le 22 janvier 2012, le monde du College Football a perdu plus qu'un ancien entraineur de football, elle a perdu l'une de ses plus flamboyantes figures de proue.
Que restera-t-il de Joe Paterno ? 62 ans de coaching à Penn State, dont 46 en tant que Head Coach ? 409 victoires en division FBS avec ses Nittany Lions dont 24 succès en bowl en 37 participations ? 5 saisons invaincues dont 2 titres nationaux ? 8 joueurs au College Football Hall of Fame ? Plus de 250 joueurs draftés en NFL ? Plus de 260 joueurs élus Academic All-Big Ten en 19 saisons passées dans la conférence ? Un taux de réussite académique de ses joueurs largement supérieur à à moyenne nationale ? 5 récompenses d'entraîneur de l'année ? Une intronisation en 2008 au College Football Hall of Fame (promotion 2007) ? Linebacker U. ? La carrière d'entraîneur de Joe Paterno est remplie d'accolades et de records. Mais elle s'étend bien au-delà du terrain. Pour les joueurs passés entre ses mains, pour toute la communauté de Happy Valley, pour les fans, pour les étudiants et anciens étudiants, pour l'université elle-même, la contribution de Joe Paterno dépasse largement une feuille de statistiques : des millions de dollars donnés à l'université, notamment pour l'extension de la bibliothèque qui porte depuis son nom ou pour celle du Mount Nittany Medical Center, des levées de fond pour divers projets dont la construction de l'arène de basketball, des centaines de joueurs arrivés en adolescents et en repartis hommes prêts à affronter la jungle du monde adulte, l'impact indélébile laissé dans la vie de tant de personnes... Éducateur avant d'être entraîneur, soucieux des résultats académiques de ses joueurs avant de se préoccuper de ses résultats sportifs, voilà qui résume peut-être le mieux qui était Joe Paterno, Head Coach des Penn State Nittany Lions de 1966 à 2011. "Préoccupe-toi des petits détails et le reste viendra tout seul", ou encore "Crois tout au fond de ton cœur que tu es destiné à de grandes choses". Voilà qui résume peut-être le mieux sa philosophie de vie.
Le 22 janvier 2012, la famille Nittany a perdu plus qu'un ancien entraîneur de football, elle a perdu un éducateur, un bienfaiteur et une figure paternelle.
Alors, que restera-t-il de Joe Paterno, au-delà de sa bibliothèque, de la statue à son effigie à l'extérieur de Beaver Stadium ou du parfum de glace Peachy Paterno à la Berkey Creamery ? Que restera-t-il de la légende après la brutale chute qui a mené l'icône de State College à tomber de son piédestal suite à la mise en lumière de l'affaire Jerry Sandusky ? Le 9 novembre 2011, l'administration de l'université de Penn State décide de mettre l'iconique entraîneur à pied sous la pression médiatique et populaire qui reproche à Joe Paterno son inaction dans un cas présumé de pédophilie par un ancien membre de son coaching staff. Le tremblement de terre de cette affaire de pédophilie entraîne non seulement la chute de Joe Paterno mais également celle du Directeur Sportif Tim Curley et du Président de l'université Graham Spanier. L'essentiel de la furie se déchaîne pourtant sur Joe Paterno, figure emblématique considérée par beaucoup comme le véritable "patron" à Penn State. Sa décision de ne pas investiguer lui-même le témoignage rapporté par son assistant Mike McQueary des agissements plus que douteux de Jerry Sandusky sur un garçon d'une dizaine d'années dans les vestiaires du Lasch Football Building lui vaut la vindicte populaire, et sa tête à la direction du programme de football. Accusé d'avoir failli moralement Joe Paterno regrettera de n'avoir pas fait plus mais maintiendra ne pas avoir eu connaissance des détails sur les agissements de Sandusky. Il avouera plus tard ne pas avoir su comment agir en la circonstance et avoir simplement suivi la procédure légale consistant à rapporter l'incident à ses supérieurs hiérarchiques. Une multitude de questions sur la responsabilité respective des différents protagonistes de cette affaire subsiste. La plupart d'entre-elles ne sera probablement jamais répondue et ce que savait ou ne savait pas Joe Paterno restera probablement un mystère. Une seule certitude : Joe Paterno ne connaîtra jamais l'issue de cette affaire qui, coupable ou non, responsable ou non, ternira à jamais son héritage. Le 18 novembre 2011, trois semaines après avoir signé sa 409ème victoire en division FBS et être ainsi devenu l'entraîneur le plus victorieux à ce niveau du College Football, et seulement neuf jours après avoir été démis de ses fonctions Joe Paterno est diagnostiqué avec un cancer des poumons. Simple coïncidence ? Ou conséquence irrémédiable d'un déclin psychologique qui l'a vu être privé de la pire des façons de ce qui comptait le plus pour lui après sa famille ? Après les médias et l'administration de son université, c'est au tour de son corps de lui tourner le dos. Affecté par la maladie, Joe Paterno commence un combat personnel pour sa survie, entouré de l'amour indéfectible de ses proches. Pour autant il n'oublie pas ses joueurs et son coaching staff, confiés temporairement à Tom Bradley, il n'oublie pas ses fans, il n'oublie pas son université à qui il fait son don annuel de cent mille dollars début décembre. Jusqu'au bout il aura pensé aux autres, famille en tête, sans jamais se plaindre de sa condition : "Il est mort comme il a vécu. Il s'est battu vaillamment jusqu'à la fin, il est resté positif, n'a pensé qu'aux autres et a constamment rappelé à tous combien il avait été gâté par la vie"'. Pour ceux qui était familier du personnage, la déclaration post-mortem de sa famille est loin de surprendre.
Le 22 janvier 2012, le monde a perdu plus qu'un ancien entraîneur de football, il a perdu l'un de ses "few good men". Quoique l'on puisse penser de sa faiblesse morale et des motifs, conscients ou non, qui l'ont poussé à l'inaction, Joe Paterno restera pour beaucoup un grand humaniste. Pour tous ceux dont il a marqué l'existence par les leçons de vie qu'il insufflait à ses joueurs, à sa famille et à ses fans au-delà, bien au-delà du football. Quand, jeune étudiant et quarterback à l'université de Brown, il prend la décision de suivre son coach Rip Engle à Penn State plutôt que de poursuivre des études de Droit, son père Angelo n'est guère réjoui. L'immigré italien de Brooklyn respecte le choix de son fils et n'a qu'un conseil pour lui : avoir un impact. Six décennies plus tard, alors que le père et le fils sont à nouveau réuni, Angelo est sûrement très fier de Joe. Beaucoup peuvent aujourd'hui le remercier d'avoir laissé son fils suivre sa voix...
Et donc, que restera-t-il au final de Joe Paterno ? De son héritage ? De sa mémoire ? Des chaussures noires ? Des maillots bleus anonymes ? Une philosophie orientée vers le jeu, par l'équipe et pour l'équipe ? "Black shoes. Basic blues. No names. All game"... Se souviendra-t-on plus de l'éducateur, de l'entraîneur et du bienfaiteur qui a tant donné à sa communauté ou de l'homme fatigué qui n'a pas su apprécier l'énormité du scandale qui se jouait dans ses murs ? Pardonnera-t-on ce moment, que ces admirateurs espèrent de faiblesse, quand Joe Paterno n'a pas su réagir convenablement à une situation qui le dépassait ? Ou s'acharnera-t-on sur sa mémoire, balayant un héritage fantastique au nom de cette impardonnable erreur de jugement ? Mais qui peut affirmer en se regardant dans un miroir avoir réagi autrement ? Les héros ne naissent jamais dans la critique et les supputations ultérieures. Ils naissent en changeant la vie des gens qui les entourent, en les rendant meilleurs, en dédiant leur vie à autrui. Dans cette acceptation Joe Paterno est un héros. Ce n'est pas grand chose pour une vaste majorité d'entre-nous mais c'est énorme pour tous ceux dont il a changé la vie. À un niveau que les mots ne parviennent plus à décrire.
Le 22 janvier 2012, beaucoup ont perdu plus qu'un ancien entraîneur de football, ils ont perdu une personne chère : mari, père, grand-père, ami, idole, mentor, inspirateur... Qui qu'il ait pu être et représenter pour tous ses admirateurs, il y a là bas, au cœur de la Pennsylvanie, des milliers d'yeux qui pleurent. Il est difficile de ne pas avoir une pensée émue pour son épouse Sue, ses cinq enfants et dix-sept petits-enfants. Tous ceux qui ont perdu un mari, un père ou un grand-père comprennent certainement l'immense douleur qui affecte sa famille.
Le 22 janvier 2012, Happy Valley s'est réveillée triste, d'une tristesse que l'on croyait ne jamais connaître tant Joe Paterno semblait éternel. Aujourd'hui Joe Pa nous regarde d'en haut. Sans doute se dit-il qu'il préférerait arpenter encore un peu la touche de Beaver Stadium plutôt que d'entraîner les anges dans les cieux. PATER NOster, qui es in caelis...
Blaise Collin pour EliteFoot
NB: Pour terminer sur une note personnelle, je voudrais juste ajouter un peu égoïstement que j'ai eu la chance de travailler pour l'université de Penn State et d'y découvrir une famille largement unie autour de son équipe de football, alors que je ne connaissais à l'époque rien du College Football. Par la suite, j'ai eu l'opportunité d'assister à des matchs et entrainements des Nittany Lions, d'y discuter avec des joueurs et des entraîneurs et j'ai eu l'incroyable honneur d'y croiser Joe Paterno et d'échanger quelques mots avec lui. Joe Paterno et sa femme Sue ont passé une partie de leurs études à faire connaissance en étudiant Albert Camus. En tant que Français et amoureux de Penn State, d'avoir pu partager ce souvenir avec lui est quelque chose dont je retire un fort sentiment de bonheur. Joe Paterno et Penn State ont changé ma vie d'une façon difficilement descriptible. À tous ceux qui trouvent cela incompréhensible ou idiot, à tous ceux qui n'avaient pour Joe Paterno que du mépris ou de l'indifférence, je demande juste de respecter la douleur et les larmes de ceux pour qui il a compté. Salut Joe, tu nous manqueras terriblement...
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Merci Blaise
RépondreSupprimerMerci pour ce texte qui revéle bien l'émotion suscitée par cette disparition dans le contexte si particulier de ces derniers mois.
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