Parlons Coupe de France. Coupe de France de Rugby !
Quoi ? Comment ça existe pas ? Le Challenge Yves du Manoir ? Oui c’était sympa le Challenge, mort de sa belle mort en 2003 après s’être d’ailleurs fait appeler Coupe de France pendant 4 ans de 96 à 2000 puis Coupe de la Ligue et Challenge Sud Radio (on a les sponsors qu’on peut !) ses trois dernières éditions. Mais bon le Challenge ça ronronnait entre clubs de première division…. Non moi je vous parle d’une vraie Coupe de France, ouverte à tous les clubs, petits et grands. Et oui, le rugby a connu ça aussi , les « Cendrillons » et leurs épopées en Coupe. D’abord entre 1943 et 1951 (avec une dernière finale entre Hauts Pyrénéens Lourdes-Tarbes qui est tellement violente que la fédé décide d’arrêter les dégâts- « magnifique » victoire Lourdaise 6 à 3-) puis pendant trois saisons au milieu des années 80.
Alors oui tout le monde ou presque a oublié ces trois éditions de 1984, 1985 et 1986 remportées par Toulouse, Narbonne et Béziers. Le rugby moins propice aux surprises que le soccer n’est pas forcément le sport le plus approprié à une compétition où les Davids défient les Goliaths. L’expérience sera donc vite interrompue faute d’un réel intérêt des clubs et du public. Pourtant il existe un petit coin de France où l’on a pas oublié cette compétition. Ca tombe bien ce petit coin là c’est mon village natal !
Les Guêpes de l’US Vinay sont le genre de club que les joyeux habitants du Sud-Ouest croient être les seuls à posséder. Vous savez le fameux « rugby de village » (à prononcer avec un fort accent du Gers ) où l’on retrouve 98% de la population mâle du dit village autour d’un champ boueux un dimanche sur deux. Ca sent la Gitane maïs, le vin chaud et la ventrèche à deux kilomètres à la ronde. A deux kilomètres du stade on a aussi la possibilité d’entendre les « Voyou !!!! » et autres « Bon Dieu ya en avant de deux mètres !!! » qui font la joie des mains courantes de la France de l’ovale. Sauf que les Guêpes jouent au pied du Vercors dans un Dauphiné qui comme ses voisines Savoie et Bresse aime le rugby tout autant que la Bigorre, le Béarn ou l’Armagnac. Ferraillant toujours aujourd’hui en Fédérale 3, le club était dans les années 80 une solide forteresse du rugby Alpin jouant la plupart du temps les premiers rôles en 2ème division (équivalent à la Fédérale 2 d’aujourd’hui) .
Voilà donc que les Vinois se retrouvent engagés à l’automne 1983 dans cette nouvelle version de la Coupe de France. Les tours se succèdent, contre des clubs de niveau équivalent, et puis « magie de la Coupe » comme disent les spécialistes du soccer tous les printemps, les Guêpes passent, et passent encore, et quand il ne reste que 32 clubs engagés elles sont toujours là ! Le noir et bleu vinois (si si elles sont noires et bleues nos guêpes, le jaune c’est sans doute un peu trop salissant pour la boue des longs hivers Alpins !) flotte partout dans les rues du village en ce mois de février 1984. Une bien bonne nouvelle pour un village qui traverse une mauvaise passe. Un an et demi plus tôt une terrible tempête (celle de novembre 82) a arraché plus de la moitié des noyers de la vallée, ceux qui produisent la fameuse Noix de Grenoble et donnent du boulot à une bonne partie de la population de la région (incluant mon père) . L’usine de tissage située à 100 mètres du stade Vieux Melchior vit ses derniers mois et va mettre une autre bonne partie de la population du village (celle-ci incluant ma mère !) au chômage. Et dans un an les noyers qui avaient survécu à la tempête vont pratiquement tous geler dans ce qui restera l’hiver le plus froid du siècle en Dauphiné avec des -25 degrés enregistrés en plaine. C’est dire si l’épopée des Guêpes réconforte et redonne un peu de baume au cœur à tous!
Le tirage au sort de ces 16ème de finale leur permet de recevoir le glorieux Saint Jean de Luz Olympique. La plus basque des équipes de rugby, joueuse et bondissante. Portant fièrement les couleurs vertes et rouge de l’Euskadi, l’Olympique est alors une solide équipe du Groupe B (entre la pro D2 et la Fédérale 1 d’aujourd’hui), niveau qu’elle a presque gardé de nos jours. Vieux Melchior est noir de monde, ce n’est pas tout le village mais toute la vallée qui se déplace pour voir ces fameux basques. On a jamais vu ça à Vinay. Le match est épique, acharné, mais la magie opère. Les Guêpes restent maitresses à la maison. Les voilà dans le top 16 final !
Le tirage au sort des 1/8ème de finale est un coup de tonnerre : Le Stade Toulousain ! Le stade de Vinay bien trop petit pour pareil événement cède la place à celui de Valence à 55 kms de là. Ce dimanche 4 mars 1984 les rues de tous les villages de la basse vallée de l’Isère se vident, tout ce qui est en âge de hurler « Hors-Jeu !!!! » est parti dans la Drôme voisine. Pour ce 160ème match de Guy Noves à la tête du Stade Toulousain (il a passé récemment le cap des 1000) il n’y aura pas de nouvelle surprise mais les Guêpes s’inclinent avec honneur sur le score raisonnable de 35-6. La troisième mi-temps n’en sera pas moins belle et l’année se terminera malgré tout en fanfare pour l’USV avec un titre de champion de France junior Balandrade.
Sur sa lancée le Stade Toulousain sera le vainqueur de cette Coupe de France 1984 où il bat en finale 6-0 le FC Lourdes et un autre enfant de la Noix de Grenoble, Gilbert Brunat, qui fera ensuite, de retour dans ses Alpes natales, les beaux jours du FC Grenoble et de Bourgoin. Né à Quincieux, dans les coteaux juste au-dessus de Vinay, Brunat n’a bizarrement jamais porté le maillot de l’USV. Depuis l’USV a formé une autre fierté locale, fils de l’ancien maire et toujours conseiller général, Jean François Coux, ailier de la grande époque de Bourgoin, international à deux reprises et aujourd’hui joueur à l’US Oyonnax.
Finalement depuis 1984 rien n’a vraiment changé. Noves et le Stade Toulousain dominent, Vinay joue au rugby, ramasse ses noix et regarde ses fils partir. Il n’y a finalement que la Coupe de France de rugby qui n’a pas tenu le choc oubliée dans un sport qui s’est depuis internationalisé et professionnalisé. Reste quelques Vinois nostalgiques pour y penser quelquefois.
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