Si il y a une référence dans la presse sportive américaine c'est bien "Sports Illustrated". Cette vénérable institution, championne du monde des hebdomadaires en nombre d'abonnés, reste le "must" en journalisme sportif outre atlantique 56 ans après son lancement. Sa "une" que l'ont dit maudite vaut presque en prestige celle des grands magazines d'actualité "Time" et "Newsweek". Son annuel "Swimsuit Issue" publié en février est le plus gros tirage de la presse magazine mondiale. Pour nous amateurs de foot us, il reste la "maison" des Peter King et autres Dr Z, les plus respectées et influentes plumes de notre sport.
Ce que l'on sait moins c'est que "SI" ne serait sans doute pas "SI" sans un français. Un français qui est à l'origine du succès incroyable de cet hebdo. Son nom: André Laguerre.
André Laguerre a eu une de ces vies de roman qui font d'un destin personnel, le symbole d'une époque.
Né en 1915 d'un père diplomate français et d'une anglaise il passe son enfance aux quatre coins du monde suivant son père dans ses nominations. En 1927 celui ci se retrouve consul général de France à San Francisco. c'est là qu'André découvre les sports américains et notamment le baseball qui domine encore alors le paysage sportif outre atlantique. A 14 ans il commence à s'intéresser au journalisme et fait quelques petits boulots au SF Chronicle. Il est envoyé à Oxford pour faire ses études et commence ensuite une carrière de journaliste travaillant à la fois à Londres et à Paris. Il survit d'ailleurs par miracle à un crash aérien sur un vol reliant les deux villes La guerre survient et il se retrouve sous l'uniforme français. Il fait partie des derniers évacués de la poche de Dunkerque. Il y est blessé et sauvé de la noyade par des soldats britanniques après que son bateau ait été coulé par les allemands. A Londres il s'engage dès le 18 juin 40 auprès du Général De Gaulle et devient son attaché de presse maîtrisant aussi bien l'anglais que le français. Il suit De Gaulle durant toute la guerre entre Londres, l'Afrique du Nord, la France libérée, l'Allemagne.
A la Libération il devient un des correspondant en Europe de "Time" magazine, chef du bureau de Paris puis de celui de Londres il devient une figure de la haute société de l'époque. Grand ami de Albert Camus, amateur de bons cigares et de bon whisky, membres des clubs les plus distingués des deux villes... Il épouse une princesse russe, descendante de la Grande Catherine et de Josephine de Beauharnais! Toujours passionné de sport il écrit sous un pseudo des articles pour l'"International Herald Tribune" quand ses obligations avec "Time" le lui permettent.
En 1960 "Time" lui donne un sacré défi à relever: Rendre rentable un des magazines du groupe qui vivote depuis sa création 6 ans plus tôt: "Sports Illustrated". A l'époque le magazine parle autant de chasse, de pèche, de tourisme et de bricolage que de sports. Sentant poindre l'explosion de l'intérêt des Américains pour les compétitions sportives, il décide de recentrer la publication sur les sports. Il embauche les journalistes les plus talentueux et si ceux là se posent des questions sur l'utilité d'écrire des articles sur des choses aussi futiles qu'un joueur inconnu de baseball, il leur lance cette formule " le sujet de ce que vous écrivez n'est pas important. Tout ce qui importe est comment vous l'écrivez". Sa bande de fines plumes révolutionne le journalisme sportif et le magazine devient rapidement la référence absolue dans le domaine.
En 1964, ne trouvant, comme d'habitude, pas grand chose à publier durant la morte saison de Février (entre la fin des saisons de football et le début de celle du baseball), il relance une chronique appelée "Fun in the Sun" sur les voyages dans les destinations exotiques. Il met alors en couverture une ravissante jeune femme en maillot de bain. Le "Swimsuit Issue" était né! Quand il reçoit des milliers de lettres d'insultes d'abonnés puritains il se console en regardant le chiffre des ventes qui explose et lâche un "attendez l'année prochaine" qui promettait une avalanche de maillots tous aussi plus audacieux les uns que les autres!
Il quitte "SI" en 1974 et se consacre alors à une de ses passions, les courses en fondant un magazine spécialisé "Classic" qu'il dirigera jusqu'à sa mort en 1979.
Merci pour tout Monsieur Laguerre!
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