Débat Sideline. Où en est notre football?

Dans la rédaction de sideline on n’hésite pas à débattre entre nous de notre football, de son état, de son avenir. Ainsi avec Julien nous nous sommes penchés sur la question suivante : Notre football, le jeu qui y est pratiqué, le jeu de son équipe emblématique, l’Equipe de France, vont-ils dans le bon sens ?

Nous ouvrons ici un débat qui nous l’espérons se poursuivra dans vos commentaires (pas anonymes on vous le rappelle !) et permettra à tous de se poser des questions constructives pour l’avenir de notre discipline. Nous avons chacun « grossi un peu le trait » de nos arguments respectifs afin que soit bien mis en valeur les questions et les choix que nous avons à faire collectivement…

Aujourd’hui, où en est notre Football 2.0 à la française ?

Il faut tout d’abord considérer l’an 0 : Ce baroudeur de Laurent Plégelatte et la découverte des premiers équipements. L’ère sans Internet, du magasin Kick Off, de ses rêves, le petit bout d’Amérique et les fantasmes sublimes colportés par football américain magazine ou US Foot, des nouvelles arrivant au compte-gouttes quand ce n’était pas avec des semaines de retard. Une sorte de Football idéologique qui ressemblait plus à des luttes de hordes barbares pour l’acquisition d’obscurs territoires dans un (nouveau) Monde lointain qu’on essayait d’imiter. Un football de pionniers qui avec un siècle de retard ressemblait à celui des premiers affrontements de notre sport Outre-Atlantique tant dans ses mœurs que sa façon de le pratiquer. En clair : A grand coups de courses basiques en I ou T et autres formations « de guerre » dans un esprit de camaraderie virile un rien « bourrine ».

Puis vient l’an 1. Un jeune Legault du Vieux-Montréal, Defensive Back modeste de son état de joueur, débarque des océans avec son accent mâtiné d’Acadie. Ses allures d’étudiants professeur, d’Universitaire de Bishop marchant sur l’eau, vont tout de suite séduire les « sans-culture» du Football hexagonal. C’est le début des années 90. Personne n’y connaît vraiment quelque chose, soyons francs. Sinon quelques amis passés ça et là sur le continent américain, ramenant de précieuses informations. Les Argonautes avec un Legault qui amène un peu de complexité tactique dans ce monde de brutes deviennent une entreprise à vaincre, une usine à champions. Mais alors que depuis presque dix ans Joe Montana développe une West Coast Offense et révolutionne le Football avec Bill Walsh, nous pratiquons partout ailleurs encore un football de tranchées.

2013 an 2 ? Vingt-cinq années se sont quasiment écoulées depuis. Interrogeons-nous un peu sur l’évolution du jeu français, alors que la machine des Black Panthers (huilée par Legault, devenu entraîneur de l’équipe nationale) semble grincer en ce début de championnat. Usure naturelle d’un effectif savoyard vieillissant, cherchant à retrouver la bonne recette de cette potion magique faîte dans les vieux pots du Canadien ? Ou démarrage diesel d’une équipe qui doit faire avec les rudes hivers lémaniques pour préparer ses saisons ? Quoi qu’il en soit un problème subsiste, amis de la nostalgie, nous ne vivons plus dans les années 90. Internet est passé par là, la NFL a développé un football toujours plus spectaculaire, et Joe Kapp semble avoir bien mal vieilli ! Qu’est devenu notre football ? Ou qu’est-il resté ?

A l’heure où notre championnat est déserté par certaines de nos plus belles pousses… Comment faire rêver avec ce jeu terrestre d’un autre temps ? Mais bien au-delà de nos rêves de NFL, il en va de l’intérêt même de notre football à la française. Paul Durand, notre plus bel outil de communication, depuis longtemps, Quarterback et MVP du dernier championnat… Espoir en devenir, c’est terminé. Poussé sur son aile par Legault afin d’assouvir nos chances de victoire nationale à court terme, nous dit-on. Ou plutôt écarté pour faire de la place en équipe nationale à un Perez Mattison vieillissant, dont les performances de ce début de saison sont très loin de celle du Durand 2012 (coaché par Jim Criner, rappelons-le). Et introniser un QB naturalisé est ce bien le message que l’on veut envoyer à nos jeunes Qbs ? Ca n’a d’ailleurs pas empêché Durand de laisser le bras au combat en dépannant au poste de QB qu’il n’avait plus l’habitude de jouer… C’est sûr, ce n’est pas Maxime Sprauel qui va pouvoir se dégourdir le bras en lançant moins de 10 ballons par match depuis le début de la saison… Et qui manque de bol a trouvé lui aussi le moyen de se blesser ! Alors qu’elle est là l’ambition de notre football « officiel »? Et jusqu’à quand, poser quelques questions embarrassantes à la DTN et à Larry Legault sera tabou ? Oui Julien, l’équipe de France ne joue pas la Wing T thononaise mais son style reste très (trop ?) conservateur…

Sur la scène internationale européenne, celle qui pourrait sortir notre sport de son anonymat médiatique, la France a un avantage concurrentiel particulier pour reprendre un terme de guerre économique. Si les Allemands et les Autrichiens gardent et garderont l’avantage physique, les plus belles et les plus lourdes lignes, si ils sont parfaitement intérêt de monter le niveau de leurs championnats en important des joueurs rapides et techniques qu’ils ne possèdent pas en interne (y compris si il le faut certains français), pourquoi devrions-nous faire pareil ? Nous essayons de les battre à leur propre jeu. Peine perdue. Un peu comme si Boisé State essayait de battre un poids lourd de la SEC avec le playbook de Nebraska circa 1960. Nous envoyons de la course plein but dans des lignes défensives 200 kgs plus lourdes que nos lignes offensives. Même avec la plus belle cohésion et la meilleure exécution possible les miracles de ce type en football n’existent simplement pas. Misons sur nos forces. Misons sur ses athlètes que nous avons la chance de posséder. Ces jeunes Qbs audacieux, ces receveurs incendiaires, les jambes de feu de nos coureurs, ces DBs intraitables qui font la richesse de notre football. Ce n’est pas un hasard si les plus belles victoires du sport collectif français ont été bâties sur deux forces particulières à notre pays : Le « french flair » latin plein de panache et la mixité « Black Blanc Beur » qui tant du point de vue athlétique que psychologique peut renverser des montagnes.

Non la France, en club comme en équipe nationale, ne gagnera aucun titre majeur en essayant de fracasser des murs germaniques trop lourds pour elle. Non notre football n’avancera pas avec un QB US de presque 40 ans et des équipes Elite où le meilleur moyen pour un jeune de gagner une place de titulaire est d’oublier son talent naturel et d’apprendre à bloquer pour le nouveau coureur yankee. De l’audace, Messieurs, de l’audace !!

Olivier

En effet, je vais m’essayer d'analyser ces propos avec lesquels, je dois être honnête, j’ai quelques difficultés. Force est de constater que l’auteur a clairement plus de talent d’écriture que moi (je le jalouse cet Olivier!), et ce n'est donc pas le style qui me pose problème, mais bien le fond.

 Avant tout, dites-vous bien que si le foot existe en France depuis 30 ans, ça n’a pas été 30 ans d’évolution perpétuelle, dans ces 3 décennies il y a eu des « crises » de la pratique de notre sport, avec à chaque fois le sentiment pour certains de recommencer à  zéro, donc l’an zéro, ce n’est pas que celui de Plégelatte, il y en a pléthore. Mais admettons. 30 ans. 30 ans à faire progresser un sport, avec toutes les difficultés qu’impliquent ce sport, les finances, l’équipement, la nécessité de gros effectifs, etc… Est-ce suffisant ? Suffisant pour demander aujourd’hui, sous prétexte de l’augmentation des nouvelles technologies, que nous proposions un spectacle digne de la NCAA ou de la NFL ? Que nous puissions faire un parallèle, même léger, entre nos clubs et les franchises multi-millionaires de NFL ou de NCAA ? Que nous permettions aujourd’hui de faire des raccourcis aussi rapides ? Non je ne le crois, et humblement, nous devrions nous poser les vrais questions, les questions de nos objectifs à court et moyen termes. Nous ne faisons pas en France, et ne ferons pas demain, du football spectacle, nous faisons du Football. Et lorsque l’on fera du très bon football, alors vous verrez que sans l’avoir prémédité, on fera déjà du football spectacle.

Sur le sujet de la Wing-T, il est assez étrange de noter que cette critique arrive à une période, où le modèle de WingT à la française a des difficultés. Est-ce le fait du hasard? Je l’espère. Car je n’ai pas de souvenir de  tels propos l’année dernière, lorsque la WingT apportait une fiche de 9-1 en saison régulière. Que doit-on faire quand on est coach ? Faire du football spectacle, ou choisir une stratégie adaptée aux joueurs locaux ? Doit-on réduire à néant une tradition de football d’un club, où s’adapter à ce qui fait le succès d’une équipe ? Avons-nous le droit, de critiquer les choix stratégiques de nos adversaires, ou doit-on chercher à jouer avec et chercher des solutions ? Oui la WingT n’est pas le plus beau football, oui j’aime le football spectacle, mais en tant qu’amateur je ne décrierai pas une stratégie. En tant que coach, mes jeunes jouent énormément au sol, même si je rêve de leur faire jouer du bon vieux shotgun, je ne le fait pas,  j’ai les talents pour du jeu au sol, c’est la tradition du club, alors je m’adapte et je joue mon football… au sol essentiellement. Sur le sujet des Blacks, avec les 7 nouveaux venus, dont une majorité de jeunes (si on enlève Hippo et Delsol), et 6 juniors surclassés, ce serait ignorer l’évidence mon cher Olivier, que de conforter tes propos « d’effectif vieillissant », on aurait même tendance à les qualifier d’ « équipe en reconstruction ».

Venons-en à la guerre des QBs. C’est un bon problème tout ça ! On a trop de QBs ! Nous en France, qui importons des QBs à la pelle, nous avons en parallèle un casse-tête en EdF, car nous avons des bons QBs. « Ah les riches qui se plaignent d’avoir du choix ».
Sur Perez Mattison, j’avoue que j’ai des difficultés à donner tort à Olivier. C’est un bon QB, mais son âge -et en aucun cas sa naturalisation- me fait douter de l’intérêt de l’appeler en EdF.  Certains diront que pour « service rendu à notre championnat, il le mérite », mouais, peut-être, mais ça ne doit pas être l’argument #1 en tout cas. Pour les autres QBs par contre, on n’est pas vraiment d’accord. Et ce désaccord tient en un point : Un élément oublié, Loïc Caruso. En effet dans tout ce jeu des chaises musicales, Caruso tient un rôle très important, puisqu’il est en partie la raison qui pousse Durand sur les ailes, je m’explique. Caruso et Durand sont deux bons QBs, à ce poste ils ont relativement autant de talents l’un que l’autre, cependant Caruso  a clairement une marge de progression plus importante,  Durand de son côté est particulièrement polyvalent, et plutôt bon au poste de receveur. Alors pourquoi se priver d’un  de ces deux talents, alors que l’on peut possiblement faire jouer les deux? Le compromis que je vois ici, si c’est ce que les coaches EdF ont vraiment voulu faire, je ne peux que l’applaudir, c’est la meilleure solution pour tout le monde.

 "La France, en club comme en équipe nationale ne gagnera aucun titre". Les faits sont là, on a jamais été aussi proche, on a jamais eu une progression nous menant aussi haut, que ce soit avec deux clubs en demi-finale de l’EFAF (2012), ou que ce soit notre équipe Nationale qui est  Vice-Championne d’Europe (2010), je me répète les faits sont là. (ouh le joli palindrome)

Au final, je comprends en partie ce qu'Olivier nous dit, il y a du vrai dans ses propos en général, mais la diversité est ainsi faite, comme certains d’entre vous, je ne suis pas d’accord avec la totalité de ceux-ci.

A toute critique, les éléments à décharge, et non seulement à charge, sont bons, et c’est pour cela que pour ma part, je vous laisserez faire votre propre avis, et espère avoir rempli avec succès mon « rôle d’avocat de la défense ». 

Place au football ! Avec un peu d’audace aussi…

Julien

Photos: Paul Durand et Maxime Sprauel par Lucio Persiani