Le sport et l'Ecosse (part 2). 125 000 litres de bière et beaucoup d'amis.

L’Ecosse indépendante a peut-être perdu hier mais ne nous inquiétons pas trop pour ses supporters. Plus que le « match », le supporter porteur de kilt, membre de la fameuse Tartan Army aime les troisièmes mi-temps, plus que la destination, il aime le voyage. A titre d’exemple laissez-moi vous raconter une belle histoire d’amitié sportive où ce qui s’est passé ou pas sur les terrains n’a pas vraiment eu d’importance….

Rendons nous à St Etienne le 12 novembre 1997. L’équipe de France de soccer prépare « son » Mondial. On l’a quelque peu oublié mais à cet instant-là, l’ambiance qui règne autour de l’équipe d’Aimé Jacquet est loin d’être euphorique. Même si elle possède un très bel effectif, l’équipe joue mal, sans enthousiasme, ni véritable âme. La Coupe du Monde qui approche est certes attendue par les fans mais on ne compte pas plus que ça sur les Bleus pour en faire un succès. En ce froid soir d’automne, en semaine à Geoffroy Guichard, dans une enceinte encore en travaux, le stade ne fait pas le plein. Pourtant, comme d’habitude, des chants, bien avant le coup d’envoi, résonnent dans le mythique Kop Nord du stade des Verts. Mais ces chants n’ont pas le ton habituel et sortent des gorges de supporters en Bleu Marine. Des Ecossais qui sont venus en nombre supporter leur équipe nationale. Quelque peu amusés les locaux les regardent, les écoutent entre condescendance et étonnement.

Comme on pouvait le craindre le match n’est pas beau à voir. Poussifs, les Bleus se heurtent à la rugueuse défense Ecossaise. Les deux équipes trouvent bien les filets chacune à leur tour mais les supporters français sont déçus. Ce n’est pas ce soir que les futurs Champions du Monde vont montrer l’étendue de leur potentiel et de leur talent. On entend ça et là quelques sifflets et on semble doucement aller vers un triste match nul. Pourtant, sans aucun signe d’essoufflement, les chants continuent, puissants, justes, dignes. Plutôt connaisseurs en public bruyant, les locaux sont de plus en plus impressionnés par la Tartan Army qui petit à petit domine le bruit de fond du stade. Certains applaudissent à la fin de leurs chants, on commence à voir des scènes de fraternisation entre supporters, faute de spectacle sur le terrain on s’amuse en tribunes. A l’heure de jeu on sent même un basculement. Fatigués de voir l’équipe de France se trainer sur la pelouse un certain nombre de français se mettent carrément à pousser derrière les modestes mais courageux écossais. Pour leurs supporters, pour qu’ils n’aient pas fait ce chemin pour rien, pour qu’ils chantent encore.

A la 77ème minute de jeu Youri Djorkaeff marque le but de la victoire pour les Bleus. Pratiquement dans l’indifférence générale voir la déception d’une bonne partie du public. Un (ex) Lyonnais en plus, on va pas sauter de joie non plus ! Comme si rien n’avait changé, les quelques milliers d’écossais du Kop Nord continuent jusqu’à la dernière seconde à supporter leur équipe comme un seul homme. Le match se termine. On s’apprête à rentrer chez soi, frigorifié, pas plus confiant dans l’Equipe de France pour la Coupe du Monde que quand on est arrivé deux heures plus tôt. On salue les Ecossais. On dirait qu’eux ont pas franchement envie de quitter le stade. Ils chantent encore.

Finalement au son de quelques cornemuses, ceux qui viennent pourtant de perdre le match, vont se diriger vers le centre-ville. Ca tombe bien « le Glasgow »leur tend les bras. Ce bar qui porte le nom de la plus grande ville écossaise depuis la « glorieuse défaite » des Verts de 76 va servir de la bière tout le reste de la nuit à des Ecossais rieurs et des Stéphanois séduits par ces supporters chez qui ils se trouvent beaucoup de points communs. La passion du sport mais surtout la passion d’être ensemble. On se quitte tard dans la nuit en riant une dernière fois. « A Bientôt ! » Mais on ne pensait pas que le bientôt serait si proche !

Les Ecossais s’étant qualifiés pour la fameuse Coupe du Monde et le comité d’organisation ayant eu la bonne idée de les mettre dans la bonne poule, voilà que les Cornemuses raisonnent à nouveau à St Etienne quelques mois plus tard. Le 23 juin 1998, en terrain déjà quelque peu connu, ils sont venus, Premier Ministre compris, encore chanter quelques heures dans le Kop Nord. En face c’est le Maroc. Et un Maroc plutôt joueur qui l’emporte finalement 3-0 dans ce match du premier tour. Les Ecossais, pas plus déçus que ça, reprennent la même route : Centre-ville, « Glasgow ». Sauf qu’il fait beaucoup plus chaud qu’en novembre et qu’ils sont beaucoup plus nombreux. Tous les fûts de bière de tous les bars de la ville n’y suffiront pas. La presse locale parlera de 125 000 litres bus en une soirée. Par 8 000 écossais et quelques stéphanois. (parce que bon 15 litres par personne…) La fête sera épique et mémorable. Comme si, sans s’être parlés, les Stéphanois et les Ecossais avaient eu rendez-vous. Une nuit que certains ont appelé la « répétition générale » avant celle de la grande victoire du 12 juillet. L’amitié cette fois ci était scellée pour de bon entre Stéphanois et Ecossais, de Glasgow ou pas, du Celtic ou pas. Dans la bière et le chant on est tous potes.

Ce n’est donc absolument pas un hasard si, neuf ans plus tard, le Comité d’organisation de la Coupe du Monde de Rugby 2007 décida de faire jouer deux fois le XV au Chardon à Geoffroy Guichard lors du premier tour. Le lobbying, dit-on, fut actif des deux côtés de la Manche. Face au Portugal (56-10) puis l’Italie (18-16), la victoire fut en plus du côté des Clans. Les bars du centre avaient prévus large, de grosses grosses commandes de blonde, rousse et brune. Ils ont eu raison. Les deux soirées furent belles. Comme des retrouvailles d’une bande d’amis après une longue séparation.

En 2016, Geoffroy Guichard à nouveau rénové, St Etienne accueillera l’Euro de soccer. Cela fera à nouveau 9 ans d’attente. Si l’Ecosse arrive à sortir de son groupe de la mort (entre autres Allemagne, Pologne et Irlande)… Mais sachez- le , dans la Loire on croise les doigts. On a pris rendez-vous. Les feuilles sont prêtes, y a plus qu’à réviser les chansons.

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