De l'avantage de jouer à la maison. Suite


C'est grâce à une vielle grande mère espagnole que "Sports Illustrated" a trouvé une première explication à l'avantage du terrain. En effet cette passionnée de la Liga a noté consciensieusement des milliers d'informations sur des centaines de matchs suivis depuis des années. Et c'est dans ces archives compilées par son fils prof d'économie à Londres que l'on a trouvé le premier indice fiable: Du côté de l'arbitrage. Avant que ne soit mis en place les panneaux indiquant le temps ajouté au temps réglementaire à la fin d'une rencontre, lors des matchs où l'équipe qui recevait était menée, les arbitres donnaient plus de temps à la fin du temps réglementaire. En fait en moyenne si l'équipe locale menait d'un but l'arbitre donnait deux minutes, si c'était l'équipe visiteuse il en donnait quatre! Intrigués, les enquêteurs ont vite découvert que cela était aussi le cas dans le Championnat anglais, en Bundesliga, en Italie, en Ecosse et dans la MLS américaine! Ils se rendirent compte de plus que les équipes jouant à domicile étaient moins pénalisées par des cartons jaunes et rouges!

Les arbitres seraient ils donc à l'origine de l'avantage crucial de jouer à domicile? "SI" se penche alors sur le cas de la NFL et y découvre d'autres signes suspects. Tout d'abord les équipes jouant chez elles sont là aussi moins pénalisées (environ 1/2 pénalité de moins par match). Reprenant les chiffres, "SI" s'aperçoit alors que l'avantage de jouer à domicile s'est bizarrement atténué ces dernières années passant de 58.5% entre 85 et 98 à 56% entre 99 et 2008. 1999, l'année où a été mis en place le système d'arbitrage vidéo! En regardant dans le détail, le magazine s'aperçoit que depuis que l'arbitrage vidéo est en place, les décisions vidéo corrigent plus d'erreurs en faveur des visiteurs que de l'équipe locale... Comme si les arbitres sur le terrain faisaient plus d'erreurs en faveur des locaux! C'est notamment au niveau des pertes de ballons que la donne change. Avant 99 l'équipe qui recevait avait 8% de pertes de balle de moins que l'équipe visiteuse, un avantage descendu à 4% depuis. Une équipe avait chez elle 12% de chances de plus que son adversaire de recouvrir ses fumbles, un avantage réduit lui aussi de moitié depuis 99...

Coupable donc les arbitres? En partie certainement et pas forcément de manière consciente. Ils sont coupables de ce que les psychologues appellent le "conformisme d'opinion" qui pousse les gens à faire le choix du groupe (et par conséquent celui de la foule derrière eux dans les tribunes) quand ils hésitent. notamment en situation de stress. En 2001 une étude fut réalisée dans le soccer auprès de deux groupes d'arbitres. On leur montra des images vidéos de tacles. Le premier groupe avec le son, le second sans le son. Le résultat: Le groupe avec le son du stade prenait des décisions plus favorables à l'équipe locale! Cet aspect psychologique n'est d'ailleurs certainement pas à réserver au seul arbitre. Si la première partie de l'étude de "Sports Illustrated" a démontré que les performances brutes des joueurs ne variaient pas, il est impossible de connaître l'influence de ce phénomène sur les joueurs et les entraîneurs en ce qui concerne leur motivation, leur confiance, leurs prises de décisions tactiques et stratégiques... Une chose est sure, plus la foule est nombreuse et proche de l'action plus son influence se fait sentir. Ainsi pour revenir sur la première "preuve" et le temps accordé en fin de match aux équipes locales menées au score, une étude complémentaire a montré que ce gain de temps est divisé par deux dans les stades où il y a une piste d'athlétisme entre les tribunes et le terrain! Et globalement plus il y a de monde à un match plus l'avantage pour l'équipe locale se fait sentir. Ainsi en NBA dans les 20% de matchs avec les plus grandes affluences les chances de gagner pour l'équipe qui reçoit grimpent à 69%. Elles ne sont plus que de 55% dans les 20% des matchs avec le moins de spectateurs. Ces chiffres sont de 60% et 52% dans la NHL et de 78% (!!) et 57% dans les grandes ligues européennes de soccer!

Que ce soit pour les arbitres (c'est prouvé) comme pour les joueurs et entraîneurs (c'est fort probable), l'avantage donné à l'équipe locale est donc purement psychologique mais il reste diablement réel. Les équipes visiteuses jouent pourtant aussi bien que celles qui reçoivent, la fatigue des voyageurs et la connaissance des lieux n'ont aucune influence sur ce qu'il se passe sur le terrain et pourtant entre "arbitrage maison" et gain de confiance et d'audace, les chances de l'emporter pour les locaux peuvent monter dans certains cas à 78% . Un signe que dans les grands sports collectifs modernes surprofessionnalisés, aseptisés, micromanagés, surcoachés, suranalysés, les aspects purement humains font encore une grande partie de la différence.

Rassurant finalement.

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