Quand la superstar du baseball était francophone.

Dans l’histoire du sport, les premières super stars furent à partir du milieu du 19ème siècle des boxers et des chevaux. Mais en ce qui concerne les sports collectifs ce sont les meilleurs joueurs de baseball des années 1890-1900 qui furent les premiers à être connus et célébrés par des millions d’amateurs. Cy Young, Honus Wagner, Ty Cobb (un peu plus tard) sont de ceux-là, et à leurs côtés “The Frenchman” un fils d’immigrés québécois né dans le Rhode Island dans un foyer où la langue parlée était le français: Napoléon "Nap" Lajoie.

Ses parents Jean Baptiste Lajoie et Celina Guertin, originaires de la région de St Hyacinte à l’Est de Montréal, s’installent à Woonsocket dans le Rhode Island dans les années 1865. Comme des très nombreux québécois, ils viennent profiter de l’industrialisation de la Nouvelle Angleterre. Les usines textiles ou mécaniques de Providence, Lowell ou Worcester ont alors toutes un quartier “français” peuplé d’immigrants fuyant le rude labeur de paysan dans la Belle Province. Cette vague venue du Nord amènera un peu plus tard les parents de Jack Kerouac dont je vous avais parlé il y a quelques temps ici : http://oliviersportsworld.blogspot.fr/2012/08/de-se-casser-une-jambe-avant-de-prendre.html et une bonne partie des familles de ceux qui aujourd’hui aux Etats Unis portent des noms à consonance française.

Napoléon nait en 1874, cadet d’une famille de 8 enfants, se retrouve très tôt orphelin de père. Il travaille très jeune dans une usine textile tout en jouant dans une équipe semi-pro de baseball en cachette de sa mère. Il devient ensuite taxi (à l’époque avec une voiture à cheval) et se fait surnommer « Slugging Cabby ». A 22 ans il est professionnel chez les Fall River Indians avant de signer chez les Phillies. A la création de l’American League en 1901 il passe chez les voisins des Athletics coachés par le légendaire Connie Mack devenant le première star à rejoindre le « Junior circuit ». Suite à un procès gagné par les Phillies il ne peut jouer qu’une saison dans une équipe de l’AL en Pennsylvanie et est donc tradé avant le début de la saison 1902 vers Cleveland dont l’équipe porte alors le nom de Bronchos. Il va y rester jusqu’en 1915 devenant manager-joueur à partir de 1905. Il est alors le joueur le plus populaire et connu du pays. Sa popularité est telle que lors de l’intersaison 1902-1903 le club décide de changer son nom et de s’appeler les « Cleveland Naps » (une habitude locale puisque les Browns portent eux aussi le nom d’un glorieux ancien…). La franchise changera de nom en 1912 pour devenir les « Molly McGuires » avant de prendre son nom définitif de Indians en 1915.

Frustré par le manque de qualité du roster (Lajoie n’a guère que Shoeless Joe Jackson pour l’aider dans le lineup et le pitching de Cleveland est regulièrement le pire de la ligue) , il démissionne de son poste de manager en 1909 pour rester simple joueur, enfin simple c’est vite dit, à l’époque il détient pratiquement tous les records possibles et imaginables pour un batteur. Sa rivalité avec Ty Cobb des Tigers passionnera les fans pendant toute la fin de sa carrière. La saison 1910 restera à ce sujet pendant longtemps dans les mémoires. Le fabricant d’automobile Chalmers (ancêtre de Chrysler) a annoncé qu’il offrira son nouveau modèle au « batting champ ». Les fans suivent le duel à distance entre Cobb et Lajoie toute la saison. Avant le dernier jour Cobb a un léger avantage .383 contre .376 pour Lajoie et, retord comme à son habitude, Ty décide de ne pas jouer le dernier match de son équipe. Lajoie joue de son côté un « double-header » contre les St Louis Browns. Il fait un 8/8 et fait monter sa moyenne à .384 ! La ligue recomptera et s’apercevra qu’elle a oublié un match de Cobb… Les deux joueurs se retrouvent à égalité et Chalmers offrira à chacun une voiture flambant neuve. En 1915 il retourne chez les Athletics pour ses deux dernières saisons avant de prendre sa retraite à 42 ans sans avoir gagné le moindre titre. En 1917 joueur-manager en minor league à Toronto il finira enfin par gagner ce titre qui lui échappait depuis plus de 20 ans.

Nap Lajoie sera évidemment admis au Hall of Fame l’année de son ouverture et reste considéré comme un des deux ou trois meilleurs 2ème base de l’histoire du baseball. Il est mort en 1959.

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