Si vous avez la chance d’aller faire un tour du côté de la Baie de San Francisco, il y a un lieu à ne pas manquer même si il n’est pas forcément dans les brochures touristiques entre Alcatraz, les Cable Cars et le Golden Gate Bridge : La fac de Berkeley. Ce grand campus situé au Nord d’Oakland au bord de la Baie a connu des grandes heures lorsqu’il était le siège de la contestation de la fin des années 60. Réputé intello et plutôt “gauchiste” dans une ville qui est déjà ce qu’il se fait de mieux (ou de pire c’est à vous de voir !) dans le genre aux Etats Unis, c’est un lieu à part où l’excellence académique n’a rien à envier à celle de l’autre grande Université de la région, Stanford mais où il règne encore aujourd’hui un parfum d’anti-conformisme hippie. Dans le domaine sportif Cal cultive aussi cette identité, tournée vers le reste du Monde, à la fois originale et traditionnelle et si le foot et le basket y sont comme ailleurs rois, il est une équipe qui représente bien cet esprit : Les California Golden Bears version Rugby.
C’est à deux pas du Memorial Stadium , le stade de football où ont joué Aaron Rodgers, Marshall Lynch ou Tony Gonzalez, où ont coaché Marv Levy et B Snyder, que se situe Witter Field l’enceinte de 5 000 places où l’équipe de rugby de l’Université massacre régulièrement toutes les équipes qui y ont rendez-vous.
On joue au rugby depuis 1882 à Berkeley où l’on attendra 1914 pour définitivement choisir le football comme sport numéro 1. Le rugby est alors relativement populaire sur les campus américains, Cal et sa voisine Stanford fournit la majorité des joueurs qui gagnent les médailles d’or aux JOs de 1920 et 1924, les seuls de l’histoire où le rugby fut sport olympique. Le sport va ensuite sombrer dans l’anonymat aux Etats Unis, partout sauf à Cal ou presque. (Les Universités « Old School » de la Ivy League, Penn State, Les Académies militaires d’Army et de Air Force, Stanford, BYU et Utah et leurs importantes communautés du Pacifique sont les autres places fortes du rugby américain).
Depuis cette époque, dire que les Bears dominent le rugby NCAA est un euphémisme. A partir de 1980 première année où un champion national est désigné, ils ont gagné 76% des titres, 26 en 34 saisons (sans compter deux finales)! Sept des 30 joueurs représentant les Etats Unis à la dernière Coupe du Monde en 2011 ont joué sous la maillot des Cal Bears. Il aura fallu en fait attendre 2006 pour qu’ils commencent à avoir une vrai concurrence au sommet de leur sport. C’est l’année de l’arrivée en finale pour la première fois des Cougars de BYU qui ont depuis affronté les Bears dans 8 des 9 finales ayant eu lieu, gagnant au passage trois titres dont les deux derniers.
En plus de la finale NCAA (manquée seulement 6 fois en 34 ans) l’autre grand rendez-vous de la saison des Bears est leur match annuel, surnommé la « World Cup »,contre les Canadiens de l’Université de Colombie Britannique.
La saison dernière (le rugby NCAA se joue de février à juin) est assez symbolique de ce qu’est une année pour les « Rugby Bears ». Privés pour la première fois en 9 ans de finale l’année précédente, ils avaient la pression pour rebondir d’une « piteuse » saison à 20 victoires pour deux défaites ! Ils commencent donc par gagner le derby contre Stanford 176 à 0 avant d’enchainer par un 104- 0 contre Arizona State ! Ils se vengent ensuite de Cal Poly qui avait eu l’audace de les battre en 2012 en les atomisant 112 à 7. La « World Cup » est gagnée de 10 points, ils doivent un peu cravacher en fin de saison régulière pour battre Utah et St Mary’s et arrivent en finale contre BYU invaincus. Menés 16-3 ils remontent à 24 partout avant d’être crucifiés (quoi qu’avec des Mormons le terme est peut être mal placé !) par un drop à la dernière seconde du match.
Depuis les années 80, l’équipe est menée de main de maitre par Jack Clark qui a accumulé une fiche en 30 saisons de 558 victoires, 70 défaites et 5 nuls qui ferait presque passer Guy Noves pour un médiocre coach ! Cet ancien O-Line de 57 ans n’a pourtant découvert le rugby que sur le tard. Californien du Sud, footballeur et basketteur au lycée, il débarque à Berkeley en 1976 avec une bourse pour jouer au foot. Après sa première saison de NCAA Football il enchaine avec une dizaine d’autres membres de l’équipe sur la saison de rugby (ce qui est impossible aujourd’hui dans un monde du foot NCAA où les joueurs sont pris 12 mois sur 12 par leur activité football), un sport qu’il n‘avait jamais pratiqué jusque-là, il est immédiatement séduit et enchainera les double-saisons pendant trois ans. En 1978 il fait un essai avec les Eagles de Philadelphie avant de devenir un autre Eagle, comme membre de l’équipe nationale de rugby. Il est alors le meilleur joueur du pays et à ce titre est le seul américain sélectionné dans l’équipe « Reste du Monde » qui affronte le Pays de Galles en 1980.
Il pense alors devenir pro (même si à l’époque le rugby est encore officiellement et bien hypocritement « amateur ») et partir jouer en Europe ou dans l’Hémisphère Sud. Mais sa carrière est brisée quand il prend 4 balles de 9 mm (deux dans la jambes, une dans le genou, une dans la main) dans une bagarre devant un restaurant de San Francisco. Il échappe de peu à une amputation. Il se tourne alors vers le coaching et prend en main les Bears en 84. Depuis il a gagné 22 titres et est devenu la référence absolue dans le coaching du rugby aux Etats Unis.
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