Pour les plus jeunes Steve Tasker est juste un commentateur NFL (plutôt doué) de CBS. Pour les fans de la NFL un peu plus anciens, il est juste un vague nom oublié dans de vieux souvenirs. Mais pour les fans des Bills de Buffalo il est peut-être le joueur le plus aimé de l’histoire de la franchise. Membre des grandes équipes du Buffalo des années 90 qui ne manquaient pas de stars (Jim Kelly, Thurman Thomas, Bruce Smith, Andre Reed, Cornelius Bennett….) il surpasse pourtant presque toujours ses anciens célèbres coéquipiers lors des sondages de popularité fait auprès des fans de l’équipe. Il faut dire que ni son physique, ni sa carrière NCAA, ni ses débuts en NFL ne le prédisposaient à devenir la légende qu’il est devenu et c’est sans doute une des raisons de la place spéciale qu’il a gardé dans le cœur des Buffaloniens… Petit retour sur la carrière du très « special » Steve Tasker.
Steve Tasker originaire du Kansas fait une carrière universitaire assez discrète : Deux saisons au Dodge City Community College avant de rejoindre Northwestern qui a alors une équipe encore plus médiocre que celles de ces dernières années. Fac urbaine de Chicago, plus intello que sportive, Northwestern se traine alors régulièrement dans le fond du classement de la Big10. Tasker est alors un petit returner (il mesure 1m74) rapide qui arrive malgré tout à battre le record en carrière de la moyenne remontée sur retour de kickoff pour un Wildcat: 24.3 yards. Son autre moment de gloire à Northwestern il l’obtient avec l’équipe de rugby: MVP du tournoi Big10 1985. Ces modestes performances lui permettent tout de même d’être suivi par les scouts NFL et d’être drafté en avril , au 9ème tour (226ème joueur drafté) par les Houston Oilers.
Il va trainer une saison et demie au fond de la « depht chart » des Oilers comme receveur et joueur d’unités spéciales et quand il est mis sur la « waiver list » début novembre 1986 il pense sa carrière pro terminée. Du côté de Buffalo la situation n’est guère plus réjouissante à ce moment-là. Les Bills sont une des pires franchises du début des années 80, ont terminé leurs deux dernières saisons avec des fiches pathétiques de 2-14 et ils viennent à nouveau de virer leur entraineur. Leur nouvel head coach est accueilli avec scepticisme, Marv Levy, diplômé d’histoire de Harvard a jusque- là surtout fait parlé de lui comme coach aux Alouettes de Montréal (2 Grey Cup) et par un passage plutôt médiocre à Kansas City. Vu comme un « has been » qui n’a vraiment réussi quand dans ce football bizarre joué au Canada, les Bills sont allés le chercher au Chicago Blitz de l’USFL , un coach « grillé » refugié dans une ligue rebelle, pas très bon signe…
Du football canadien Marv Levy a gardé l’énorme importance qu’ont les unités spéciales dans le jeu. Il considère qu’elles sont aussi clé que l’attaque ou la défense dans une équipe de football et arrivant à Buffalo en milieu de saison il sait que si il ne pourra pas changer grand-chose du côté des escouades « glamour », il peut au moins se pencher sur ces unités souvent délaissées par les coachs NFL. Levy rassemble alors son staff et demande à ses coachs si dans la « waiver list » de la NFL cette semaine-là il pense qu’il y a un ou des joueurs qui pourraient faire de bons « specialists ». Le coach des tight ends Joe Faragalli arrivé des Oilers à l’intersaison remarque alors le nom de Steve Tasker dans la liste. Il va voir Levy : « Marv, tu nous a demandé lundi si on avait des idées sur des joueurs d’unités spéciales, l’an dernier on a drafté ce gamin à Houston, Steve Tasker. Je pense qu’il peut jouer en unités spéciales. Il peut faire des retours, couvrir sur les coups de pied. C’est un bon gars.” Marv Levy n’avait jamais entendu parler de Tasker: “On a qu’à essayer, vas-y prends le”. Le reste comme disent les Américains « is history ».
A Houston, Tasker croit à une blague quand il écoute le message du GM des Bills Bill Polian sur son répondeur lui demandant de prendre le premier vol pour Buffalo. 1m74, 85 kg, « j’avais l’air d’avoir 10 ans » raconte Tasker aujourd’hui, la sécu ne veut même pas croire qu’il fait partie de l’équipe quand il arrive au stade deux jours plus tard. Présenté à ses nouveaux coéquipiers il se souvient de ce moment avec humour : « Je me lève et les autres joueurs ne disent rien mais je le voyais dans leurs yeux. Ils me regardent et se disent : C’est ce petit gamin le nouveau? C’est avec lui que l’équipe doit changer de direction et progresser. Ils se foutent de nous ! ».
Deux semaines plus tard, Marv Levy prépare son match contre les Patriots. Il neige à gros flocons et après l’entrainement il garde le nouveau pour lui montrer deux trois petites choses. Notamment la technique pour bloquer un punt. Tasker écoute, répete et sautant sur l’occasion bloque un punt le dimanche suivant. « Ce jour-là j’ai su que j’étais “son petit gars”, et que dans les unités spéciales je pourrais avoir un vrai impact dans le jeu de l’équipe » se souvient Tasker.
Il va alors devenir sans doute le meilleur joueur d’unités spéciales de l’histoire qui ne soit ni returner ni botteur. Véritable boule de feu, plaqueur redoutable, provoquants moults fumbles et erreurs des joueurs adverses, presque toujours le premier à atteindre le returner adverse, il devient un élément clé des grandes équipes des Bills coachées par Levy. En onze saisons à Buffalo Il sera sélectionné à 7 pro Bowls forçant souvent les journalistes à créer une catégorie spéciale « special team player » dans la sélection de l’AFC. Il est d’ailleurs le seul joueur d’unité spéciale jamais élu MVP du Pro Bowl (en 93). De nombreux journalistes pensent qu’il devrait être élu au Hall of Fame de Canton où pour l’instant on ne peut voir le buste que d’un seul joueur des « speciales » , le kicker Jan Stenerud. Il prend sa retraite en 1997, adulé et adoré par tous les fans, avant de se reconvertir avec succès comme commentateur sportif.
Son fils Luke a repris le flambeau, physiquement pratiquement son clone (1m78, 85kg), diplômé lui aussi d’une fac pour grosses têtes plutôt que pour « blue chips » (Cornell en Ivy League), il est receveur rookie aux T-Cats d’Hamilton (il a signé le 17 septembre et a joué depuis trois matchs avec 13 réceptions, 202 yards et 1TD), à quelques kilomètres de Buffalo où son père s’est définitivement installé. A la place des scouts NFL je garderai quand même un œil sur lui…
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