Interview de Martin Ricard pour 4th and Goal

Début novembre j'ai pu interviewer Martin Ricard pour 4th and Goal, voici l'intégralité de l'entretien:

Après deux saisons au Mans, Martin Ricard débarque à Amiens avec pour objectif la remontée des Spartiates en Elite. Avant sa troisième campagne FFFA Martin nous a parlé en détail de sa vision du coaching et des footballs français et québécois.

- Quelles sont tes premières impressions depuis ton arrivée à Amiens ?
- Très bonnes. Je suis en plus très content d’arriver début novembre alors qu’on avait prévu au départ que j’arrive après Noël. Cela va me donner plus de temps pour préparer la saison. Et comme je vais aussi coacher l’équipe B engagée en Régional Picardie je vais pouvoir être là dès leurs premiers matchs.
- Ce sera ta troisième saison en France, j’imagine donc que tu te sens bien chez nous…
- Oui c’est un grand plaisir d’être de retour en France. Je garde d’excellents souvenirs au Mans où je vais garder beaucoup d’amis. Les rencontrer deux fois cette saison sera très sympa. Et je suis excité à l’idée de coacher un club aussi prestigieux que les Spartiates qui va avoir un très bel effectif cette année tout en profitant de très belles installations et de la proximité du Pôle France.

- Qu’est ce qui t’attire dans le football français ?
- Avant tout l’envie de participer à son développement. Le football français a un grand potentiel. J’ai vécu pendant ma carrière, depuis l’époque où j’étais joueur dans les années 80, au développement spectaculaire du football au Québec et revivre ce type de choses en France c’est excitant. Aujourd’hui le Québec avec 8 millions d’habitants a un meilleur football que la France et ses 66 millions d’habitants mais il n’y a pas de raison pour que ça perdure. Le football doit gravir les échelons de la hiérarchie des sports en France et nous pouvons le faire.

- Justement toi qui a vu cette révolution au Québec, quels conseils donnerais tu aux acteurs du football en France ?
- Je crois qu’un des freins principaux au développement du football en France c’est une certaine étroitesse d’esprit, les problèmes d’ego et l’attente que les changements viennent tous seuls d’ « en haut ». Au niveau du coaching par exemple je suis toujours étonné par le manque de volonté de certains coachs en France à vouloir progresser. Beaucoup préfèrent rester dans leur coin à faire comme ils ont toujours fait parce que « ça marche alors pourquoi changer ». J’essaie personnellement de participer à tous les clinics possibles, de progresser et d’apprendre et aussi et surtout de partager mes expériences avec les autres coachs. Au Québec les meilleurs coachs et les meilleurs joueurs y compris de CFL sont toujours disponibles pour aller aider les petites organisations. En France on attend des choses toutes faites de la DTN et surtout on ne se parle pas entre voisins ! Imaginez qu’au Québec il n’y a qu’un conseiller technique pour coordonner le football et son rôle est surtout de préparer les équipes nationales mais à côté de ça les coachs des grandes Universités, de la CFL ne ferment jamais la porte aux coachs débutants qui veulent progresser.

- Comment qualifierais- tu ton style de coaching ?
- Mon souci premier est de faire progresser les joueurs, tous les joueurs. Il faut être patient mais le chemin vaut tout autant que la destination. Il faut toujours se demander si on progresse. Je trouve souvent les coachs français trop pressés. Ils pensent stratégie et playbook et pas assez fondamentaux. Il ne faut pas avoir peur de répéter les choses. Un coach c’est un perroquet ! Ne pas bruler les étapes et aussi demander de la polyvalence. Il faut être pragmatique : Pas la peine de faire des tracés hyper complexes pour ses receveurs s’ils ne maitrisent pas les gestes leur permettant d’attraper la balle. A quoi sert d’avoir le meilleur centre du Monde si le jour où il n’est pas là je n’ai aucun autre O-Line qui sait snapper ? C’est un truc tout bête mais faites travailler le snap à tous vos O-Lines ça vous servira tôt ou tard ! Sinon je pense être un coach qui demande une certaine discipline. C’est une des clés de notre sport. La discipline c’est aussi une attitude et de la tenue. Chez moi les maillots sont dans les pantalons ! Et les chaussettes sont toutes de la même couleur ! Quand un joueur me parle de « style personnel » je lui réponds toujours que son style c’est son jeu et rien d’autre.

- Tu ne t’occuperas pas des juniors directement mais comment vois-tu la formation des jeunes joueurs ?
- Comme je le disais l’acquis des fondamentaux est important mais avant cela il faut qu’ils soient « accrocs » à notre sport et il faut donc qu’ils prennent du plaisir. Il faut pour cela être créatif. Par exemple j’aime bien faire jouer mes équipes à l’Ultimate mais avec un ballon de foot à la place du frisbee. Tout le monde coure, tout le monde lance. Ca se transforme en séance cardio/footing pour tous et en plus tu peux repérer les potentiels comme QB ou receveur. Et comme pour les « grands » il faut être patient et avoir la volonté de progresser tout le temps: Une chose qui m’a étonné ici par exemple c’est qu’en jeunes on organise des plateaux de pre-saison , des plateaux dont l’objectif pour moi est clairement de donner du temps de jeu à tous, de tester et trouver les meilleures positions pour chacun des joueurs, de vérifier l’apprentissage des fondamentaux et je vois pourtant des coachs qui prennent ces matchs comme des matchs de saison régulière en ne faisant jouer que leurs starters, en essayant de gagner ces matchs à tout prix… Pour gagner dans ce sport il ne faut pas user son équipe trop tôt, la laisser vivre sur ces acquis. A quoi ça sert de gagner ces plateaux ? L’important c’est que le « peak » de l’équipe soit en fin de saison, au moment des playoffs !
Pour revenir aux jeunes il y a quelques chose que je trouve très dommage en France c’est la facilité que les clubs ont à prendre des QBs import sans former leurs jeunes. Ca décourage plus d’un jeune qui aurait du potentiel à cette position et on voit le résultat. On a un QB naturalisé comme QB de l’équipe de France… Je suis très heureux cette année, aux Spartiates notre QB sera le jeune Idriss Ramky et j’ai hâte de travailler avec lui.

- En dehors du coaching qu’est-ce qu’il faut au foot français pour décoller ?
- Je pense que tous les passionnés du foot en France doivent essayer de faire progresser les choses d’eux-mêmes. Ne pas rester dans leurs simples rôles de coach, d’arbitre ou de joueur. Si tout le monde se dit « que puis-je faire pour le football en général ? », « comment puis-je aider à faire parler du football de manière positive ? » on ira très vite de l’avant.

Photo: Arnaud André

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

OBLIGATOIRE:
Signez par votre nom sous cette forme: prénom, nom, ville, club (le cas échant)
ou créer un compte, et vous ne serez plus jamais embêté

Sans quoi NOUS NE PUBLIERONS PAS vos commentaires!