En ce début d’année restons dans le monde amérindien. Je vous propose ainsi de partir à la découverte de la seule équipe nationale amérindienne des sports collectifs : Les Iroquois Nationals de Lacrosse.
Le Lacrosse (ou aussi simplement La Crosse) est à la fois le sport le plus moderne et le plus traditionnel des sports nord-américains. Pratiqué par les Iroquois bien avant l’arrivée des colons, il est en ce sens le plus vieux sport d’Amérique mais il est aussi le plus « tendance » et celui qui a le plus progressé ces 15 dernières années aux Etats Unis. Resté longtemps confiné dans ses terres d’origine (l’Ontario, l’Etat de New York, la Pennsylvanie, le Maryland et la Virginie), il est en train de conquérir tout le territoire américain et de s’internationaliser à grande vitesse (le sport possède 40 équipes nationales et se pratique même depuis quelques années en France). Mais il reste très attaché à ses origines et à ses traditions. Les Nations Iroquoises défendent avec passion et talent cet héritage et leur équipe nationale loin d’être anachronique ou folklorique est un magnifique exemple de mélange réussi de la culture, du sport et de l’histoire.
Brève histoire du sport :
C’est en 1636 que Jean Brebouf missionaire français décrit pour la première fois ce sport pratiqué par les Amérindiens. Comme la soule en Europe, à l’origine ce jeu pouvait rassembler les populations de tout un village avec des centaines de participants au même « match » avec des buts distants de centaines de mètres voir plusieurs kilomètres. Les Mohawks, une des 6 nations iroquoises, apprendront ce jeu à des Québécois, premiers pratiquants d’origine européenne, en 1750. En 1844 sera organisé le premier match annuel entre Canadiens et Iroquois que les Colons ne remporteront pour la première fois qu’en 1862. En 1867 une délégation amérindienne présentera son sport national en Angleterre. Cette même année les règles officielles du sport seront codifiées et adoptées par plusieurs universités canadiennes. Le sport sera olympique aux Jeux de 1904, 1908, 1928 et de 1932 et s’ouvrira aux femmes en 1913. Le Lacrosse peut être pratiqué selon plusieurs variantes. En NCAA, en championnat du Monde et dans la ligue pro d’été (MLL créée en 2001) il est joué en extérieur à 10 contre 10. L’autre ligue pro (la NLL ex MILL créée en 1987) pratique elle le jeu indoor (à 6 contre 6) plus pratiqué au Canada.
En 2010 pour des raisons administratives les Iroquois Nationals n’ont pas pu participer aux Championnats du Monde en Angleterre mais ils seront présents cet été à Denver pour la nouvelle édition de la compétition qui réunira les 6 meilleures nations mondiales : Les Etats Unis champions en titre, le Canada, l’Australie, le Japon, l’Angleterre et les Six Nations Iroquoises. 5èmes en 90 et 94, 4èmes en 98, 2002 et 2006, ces dernières espèrent bien gagner leur première médaille dans le Colorado.
Les Iroquois et le Lacrosse :
Les Six Nations Iroquoises sont installées depuis des siècles sur un vaste territoire aujourd’hui reparti entre le Sud du Québec, le Sud Est de l’Ontario et l’Etat de New York. Ce sont d’Ouest en Est, les Sénécas, les Cayugas (Goyogouins au Québec), les Onondagas (Onontagués), les Oneidas (Onneiouts) et les Mohawks (Agniers). La sixième nation, les Tuscaroras, a une histoire un peu particulière puisqu’elle était partie s’installée en Caroline du Nord avant de revenir dans les années 1710 en pays iroquois. Leurs ennemis traditionnels étaient les Algonquins installés plus au Nord et à l’Ouest. Ces deux peuples ont ainsi joué un grand rôle dans les guerres entre français, anglais et américains qui ont eu lieu dans la région au 18ème siècle et jusqu’en 1812 avec des alliances souvent variables et instables. La Confédération Iroquoise est la plus ancienne institution d’Amérique du Nord toujours en fonctionnement et en 1987 le Congrès des Etats Unis a officiellement reconnu que son organisation démocratique avait inspiré les Pères Fondateurs (notamment Benjamin Franklin) lors de la rédaction de la Constitution Américaine. Répartis aujourd’hui en 18 communautés, les Iroquois sont un peu plus de 100 000 .
Plus que peut être tout autre peuple amérindien les Iroquois ont gardé un farouche esprit d’indépendance. Les deux traités entre eux et les Etats Unis signés en 1794 leur garantissent une vraie souveraineté sur leurs terres. Ils ont leurs propres passeports, leur propre police et si ils n’ont pas comme d’autres (voir l’article sur les Séminoles) cédé aux sirènes des casinos et produits détaxés c’est qu’ils ne veulent pas avoir pour cela à demander une autorisation au gouvernement américain..
Le lien n’a jamais été rompu entre le Lacrosse et les Iroquois qui ont toujours pratiqué avec passion « leur » sport. Si Cornell et Syracuse, toutes deux situées au cœur de l’ancien territoire des 6 Nations, ont cumulé de nombreux titres NCAA elles le doivent beaucoup à leurs joueurs amérindiens. Mais avec la création de leur équipe nationale en 1983, les Iroquois ont trouvé un parfait moyen de se faire connaitre en dehors de leurs communautés et de montrer que les « méchants » du « Dernier des Mohicans » existent toujours et se soudés encore plus autour de cette pratique.
Un iroquois se fait traditionnellement enterrer avec un objet : Sa crosse en bois. Ces dernières sont toujours fabriquées de manière artisanale dans les communautés amérindiennes et même si aujourd’hui la plupart des joueurs iroquois jouent avec des crosses modernes en plastique et aluminium certains, notamment en défense où l’on joue avec de plus longues crosses, les utilisent encore en compétition. La tradition iroquoise veut que l’on offre une petite crosse à tout garçon à sa naissance. Les femmes n’ont pas le droit de ne serait-ce que toucher les crosses de leurs fils ou maris.
De fait la Crosse est plus qu’un sport pour les Iroquois. C’est même dans certaines circonstances une pratique médicinale. Un homme malade peut quelquefois demander que l’on joue pour lui un « medecine game ». Les hommes de sa communauté forment alors deux équipes , partagent un repas et font un match avec des crosses de bois et une balle traditionnelle couverte de cuir de daim. A la fin du match la balle est donné au malade et cette balle est sensée avoir des vertus thérapeutiques.
Dans le petit monde de la Crosse les iroquois ont la réputation de jouer dur et fort, d’être imprévisibles (mais parfois un peu indisciplinés). Le Lacrosse est un véritable sport de contact où l’on ne se fait aucun cadeau et dans ce registre les « Nationals » excellent. Leurs supporters ne sont pas en reste. Quand une star « blanche » de Syracuse se frotta aux meilleurs joueurs locaux dans une réserve Onondaga dans les années 60 il vint se plaindre à l’arbitre au bout de quelques minutes : « les supporters sont fous, ils me crachent dessus dès que je passe près de la touche». La réponse de l’arbitre : « Ne te plaint pas, ils ne crachent que sur les bons joueurs ! ». On dit que Jim Brown la future légende des Cleveland Browns, et qui pratiquait aussi le Lacrosse (champion NCAA 1957) quand il était le running-back des Orangemen de Syracuse, devait son fabuleux jeu de jambes et sa résistance à toute épreuve aux nombreux « pick-up games » de Crosse qu’il avait fait dans les communautés iroquoises.
Les débuts de l’équipe nationale en 1983 ne furent pas faciles, il manquait du collectif, du coaching à cette équipe disparate. Le premier match contre Syracuse se solda par une déroute 28-5. Mais la mayonnaise pris rapidement avec une première victoire l’année suivante contre l’équipe national anglaise. Dans les réserves on pratique surtout le jeu indoor et c’est dans cette discipline que les « Nationals » ont obtenu leurs meilleurs résultats (deux médailles d’argent aux championnats du Monde) mais avec de plus en plus de joueurs recrutés par les meilleures universités NCAA le niveau de l’équipe en outdoor ne fait qu’augmenter.
Mais plus que des résultats sportifs l’impact de cette équipe nationale a été perceptible au sein même des Six Nations. Elle leur a donné une fierté, les a aussi ouvert sur le Monde que celui-ci soit proche (les autres réserves, les facs NCAA…) ou lointain (des équipes du monde entier sont venues jouer dans les communautés iroquoises et les différentes équipes des « Nationals » se sont déplacées aux quatre coins de la planète, véritables ambassadeurs de leur culture et histoire) . Une vraie bouffée d’oxygène pour un peuple qui fut longtemps replié sur lui-même à l’intérieur de ses petits territoires. Une ouverture qui dépasse même le cadre des Six Nations. Ils ouvrent en effet leur roster pour des amérindiens venus d’autres nations. Des Ojibwa et des Mississaugas, descendants des ennemis héréditaires Algonquins portent régulièrement le maillot des « Nationals »!
D’ailleurs, et c’est aussi peut être une des raisons qui expliquent que l’équipe n’est pas encore aussi compétitive qu’elle pourrait l’être, les résultats ne sont pas forcément la première priorité. Le Lacrosse aussi important qu’il puisse être dans la culture et le vie des Six Nations ne se définit pas sur la base de victoires et de défaites pour un joueur iroquois. L’important est plus dans le voyage que dans la destination quand il joue un match. Il n’empêche que les « Nationals » sont aussi devenus un espoir pour de nombreux jeunes dans des réserves où seul 11% obtiennent un diplôme universitaire et où les drogues et l’alcool font des ravages.
Le championnat du Monde de cet été aura lieu du 10 au 19 juillet et sera retransmis aux Etats Unis sur ESPN. N’hésitez pas à y jeter un coup d’œil, le lacrosse est un sport magnifique et très facile à suivre. Et puis en l’absence d’une équipe de France vous savez maintenant qui soutenir !!
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