Du Baseball et de la radio

Le baseball n’est pas un sport qui se suit comme les autres. Avec des équipes qui jouent tous les jours pendant 6 mois, des saisons régulières à 162 matchs, matchs qui peuvent allègrement dépasser les trois heures de durée, il y a forcément quelques temps morts. Ce n’est pas pour rien que l’on le surnomme aux US le « National Pastime », car en plus d’être une compétition, un sport, c’est aussi, et parfois surtout, un passe-temps. Un passe-temps qui a pendant des décennies rythmé les étés de millions d’Américains. Si aujourd’hui le baseball a cédé la première place des sports US au football, c’est aussi et surtout qu’il n’est plus tout à fait en adéquation avec la vie trépidante et pressée de notre époque. D’ailleurs pour nombre de ses fans suivre un match de baseball de nos jours c’est aussi s’offrir une pause, une respiration dans notre rythme un peu délirant d’homme du 21ème siècle.

Au départ donc, si le baseball est devenu immensément populaire c’est qu’il avait deux avantages : * Il ne se passe pas quelque chose en continu et on peut parfaitement suivre un match en faisant autre chose. * Il se passe, pourtant, quelque chose (un match) tous les jours, ce qui, à la manière d’un soap, d’un feuilleton peut devenir parfaitement addictif. Dans l’Amérique du début du 20ième siècle qui s’équipait en masse de radios c’était idéal : Le baseball est devenu ainsi la bande son de toute une nation qui se retrouva pendant six mois de l’année à travailler, étudier, s’occuper de sa maison ou prendre le soleil à la plage avec en arrière-plan la retransmission quotidienne, chaque après-midi (on ne jouait presque jamais en nocturne à l’époque), du match de l’équipe locale.

Si le football est le sport de la télévision par essence, le baseball fut et reste celui de la radio, et une partie de son retour en grâce est d’ailleurs certainement lié à ce qu’il peut aussi facilement être celui du web. Qui dit radio, bien sûr, dit voix et donc commentateur. Les commentateurs de chaque équipe sont donc logiquement devenus de grandes vedettes, souvent aussi célèbres et dans certains cas beaucoup plus que les joueurs de l’équipe qu’ils suivent à la maison comme à l’extérieur pendant la saison. Surtout que certains d’entre eux ont eu des carrières à rallonge de 20, 30, parfois plus de 50 ans à être dans l’oreille 3 heures par jours 162 jours par an des supporters du club. Vous n’avez pas entendu votre mère ou votre père parler plus souvent que ce gars-là si vous êtes fidèles à votre équipe depuis votre tendre enfance ! Et ce n’est pas le cas pour un ou deux clubs… Avant la saison dernière sur les 30 franchises de MLB, plus de la moitié avait le même commentateur depuis 25 ans au moins ! Vin Scully est la voix des Dodgers depuis 1950 ! Un des plus « jeunes » à ce poste, Chip Caray (11ème saison aux Braves) ne l’est d’ailleurs pas vraiment puisqu’il remplace à ce poste son père Skip (qui avait tenu le poste pendant 41 ans) et qui était le fils du légendaire Harry qui fut la voix des Cardinals pendant 25 ans et celle des Cubs pendant 16 saisons.

Commenter un match de baseball, de plus, ce n’est pas faire son Thierry Rolland en décrivant pendant 90% de son temps l’action… Car en baseball pendant 90% du temps il ne se passe… rien ! C’est donc un métier à part où l’on doit pouvoir intéresser son audience pendant des heures, sans musique, avec quasi pas d’invités (un par match si ça se passe bien) et un match à intérêt hautement variable (à 8-1 après 4 manches il y a assez peu de chances que la suite soit passionnante…). Anecdotes, humour, auto-dérision, digressions variées, parfois même embellissement de la réalité ou mensonges plus ou moins assumés sont donc au programme. On peut, au final, entendre parler de tout voir de n’importe quoi quand on écoute un match de baseball sur une route du Wisconsin au mois d’août. Et peu importe si les Brewers sont, comme d’habitude hors de la course aux playoffs depuis mi-juillet. Bob Uecker (voix de la Brew Crew depuis 45 ans) vous fera passer quand même le temps. Les «voices» au final sont les griots de l’Amérique, à la fois ses conteurs, sages, références, influences, comiques et chroniqueurs. De quoi vous donner envie de simplement vous asseoir au soleil dans l’herbe, d’allumer doucement la radio et de vous laisser bercer par le son du match du jour…

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