Ces chers disparus: Episode 1, Les Rangers de St Mandé.

L’histoire du football français a laissé sur le bord du chemin quelques belles histoires. La plupart des clubs des débuts n’ont pas survécu et tombent doucement dans l’oubli. Question justement de ne pas les voir disparaitre de la mémoire collective de notre sport je vous propose de revenir sur le destin de quelques-uns d’entre eux. Pour le premier épisode de cette série, direction le Bois de Vincennes et St Mandé. Retour sur la petite histoire des Rangers.

Les Rangers, à l’origine de Paris, sont nés en 1984. Trois Hurricanes de Paris décident alors de lancer leur propre structure : Didier Zouari (Président), Gérard Lafont (entraîneur) et Lionel Allegret (Quarterback). Ils choisissent le bleu clair et l’or de UCLA pour couleurs avec l’étoile des Cowboys de Dallas sur leur casque. (A croire qu’ils avaient prévu que Troy Aikman allait être drafté par Dallas 4 ans plus tard !). Le club ne dispose pas (et ne disposera jamais par la suite) d’un vrai terrain et s’entraine sur une « pelouse » miteuse de Saint Mandé en bordure du Bois de Vincennes. Des panneaux de basket et une piste d’athlé autour d’un terrain sans herbe et gelé six mois sur douze où l’équipe s’entraine dans la largeur pour éviter les collisions avec les cages de hand qui trônent au milieu. Parfois ils vont jouer sur les pelouses du Bois de Vincennes ou du Bois de Boulogne où ils croisent les Spartacus ou les Challengers. Le budget est lui aussi au ras des pâquerettes (7 000 francs en 1987 !). Pourtant le club, dans le joyeux foutoir du football parisien des débuts, a l’image d’une équipe de « bourgeois ». Saint Mandé étant Saint Mandé bien sûr mais aussi du fait que pas mal de joueurs de ces premières années sont issus des beaux quartiers de Paris. Le Président roule en Porsche, le trésorier travaille à la Bourse, deux joueurs ont des galeries d’art intramuros…

Le club qui joue ses matchs où il peut (la solidarité entre équipes est alors de mise et quand ce n’est pas chez le club que les Rangers « reçoivent », c’est un troisième club qui prête son terrain…), obtient tout de même quelques bons résultats et atteint la finale D2 1986. Ils chutent contre les Wolfmen de Montpellier 36-6 mais atteignent la D1. Le club se fait doucement une réputation et l’effectif grandit. Etudiants, jeunes des cités proches amènent une vraie diversité au groupe qui devient une grande famille construite de bric et de broc. Tous ce petit monde se retrouve quasi tous les soirs dans un bar , le 1929, de la rue de la Roquette près de la Bastille où travaille un des joueurs. Dans une joyeuse euphorie, les Rangers vivent pour ainsi dire ensemble 7/7 , 24/24. C’est cette année 87 qui voit ainsi arriver au club les jumeaux Ramovic figures, si il en est, du football parisien et sudiste qui ont fait leurs premières armes au sein des Rangers.

Avec leurs casques dorés qui rendent folle l’équipe de Kick Off qui ne vend alors pratiquement que des casques blancs, noirs, rouges ou jaunes et s’arrache les cheveux pour trouver ces fameux casques or, les Rangers brillent plus par leur tenue que par leurs résultats lors de leurs trois premières saisons en D1. Mais, aidés par le Head Coach californien de Wilcox High School, John Sepulveda (qu’Enver Ramovic fera venir à Cannes 10 ans plus tard), ils vont doucement monter en puissance. Ce dernier fait jouer son carnet d’adresse et permet aux Rangers d’accéder à la diaspora nord-américaine de la Capitale. Quelques marines de l’Ambassade en mal de football amènent leur expérience, le gendre du coach, pasteur, joue également dans l’équipe. Même le fils de l’ambassadeur du Canada porte de temps à autre le casque à l’étoile. Mais c’est une autre filiale qui va donner les résultats les plus spectaculaire. A partir de la saison 89-90, des jeunes diplômés de l’Université de Santa Clara vont renforcer l’équipe. Entre 89 et 93, 7 Broncos feront partie des Rangers, le bouche à oreille faisant son œuvre. Les joueurs se cotisent pour qu’ils aient chacun 400 ou 500 francs d’argent de poche par mois et les logent à tour de rôle, trois jours ici, une semaine ailleurs… Le premier d’entre eux est le running back Matt Shaw qui dominera les débats lors de cette saison 1990. Saint Mandé arrive à battre son glorieux voisin de Joinville le Pont, arrache une victoire aux Centaures et termine sa saison D4 avec une fiche de 4-2.

Le club va ainsi faire 6 saisons en première division sans jamais atteindre les phases finales mais avec des résultats honorables. Avec parmi eux Cyril Drevet, fils de l’animateur vedette à l’époque Patrice Drevet, ils sont invités sur les plateaux de télé dès qu’une émission a besoin de footballeurs US, confortant ainsi leur image d’équipe un peu « bling bling » dans le football parisien. Mais la santé du club, toujours sans vrai terrain, reste précaire. C’est ainsi qu’à la fin de la saison 1992 ils décident de fusionner avec les Crazy Lions de Sèvres qui disposent d’un bon réservoir de jeunes (demis finalistes junior 1992) et forment ainsi l’équipe des Frelons de Paris. Les Rangers version originale quittent le paysage du football parisien non sans une dernière pirouette originale : Avant leur dernier match, le joueur responsable de la lessive des maillots a tout mélangé dans sa machine, maillots bleus, pantalons jaunes, tout est… vert !! La mayonnaise prend entre ex Crazy Lions et ex Rangers et les Frelons réalisent une belle saison de D1 (6-2-1). En quart de finale ils affrontent à la Courneuve le Flash qui joue alors sa dernière saison sur son mythique terrain « de la plage ». Le match est serré, les locaux mènent 7-0 avant que les Frelons ne marquent un touché dans les dernières secondes de jeu. Skender Ramovic tape la transfo pour emmener tout ce beau monde en prolongation : Elle heurte le poteau. La meilleure saisons des « Rangers » prend fin.

L’heure est alors aux grands regroupements et la saison suivante le club intègre la grande fusion du Team Paris avec notamment le Spartacus et ce qu’il reste des Anges Bleus. C’est Porte de la Chapelle que tout le monde pose ses sacs. L’unique saison de la Team se termine avec une décevante fiche de 2-8. Le club est dissous et les joueurs rejoignent les différents clubs de la région, Flash, Castors-sphinx, Molosses, Dogues et autres Météores. Les Rangers ont disparu mais reste quelques beaux souvenirs.

Merci à Enver Ramovic pour son aide à la rédaction de cet article


Photos: Archives Elitefoot et Mike Ritson

4 commentaires:

  1. Petite precision :
    Le Team Paris fera 3 saisons (93/94, 94/95 et 95/96) avant de disparaitre...

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  2. Oui, desole pour l erreur, deux et demies en fait puisque l équipe fera forfait général en 95-96

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  3. Centre au Rangers de Paris à ses débuts, nous étions 6 ou 7 aux premiers entraînements. Effectivement je venais aux entrainements dans la porche d'un des fondateurs ... que de souvenirs. J'ai quitté le club après la finale contre les Wolfmens, mes premiers pas guidés par les Castors, Spartacus qui venaient nous aider. De bien beaux souvenirs.

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  4. Bonjour les amis,
    ce qui était extraordinaire dans notre équipe c'est qu'elle était composée de toutes les couches de la société du repris de justice, à l'inspecteur de police, au marchand d'art, à l'avocat, l'étudiant, le trader, le kiné, le barman,…nous étions passionnés par ce sport.
    Nous tapions fort, jouions fair play et nous étions appréciés pour ça.
    Nous étions aussi les rois de la démerde grâce à notre diversité et avons su nous montrer à la hauteur des meilleurs équipes de l'époque à part les Argonautes…
    Qui oubliera notre voyage à Nice ou le pilote a menacé de se poser à Lyon ?
    Avec Didier nous avons fait l'équipe de France en 1987, j'ai joué half back contre les finlandais, les anglais, les italiens on a perdu, mais avec honneur sans se faire écraser.
    Entre 84 et 90 avant que je ne parte m'installer aux USA, j'ai entrainé plusieurs centaines de joueurs et cela a été l'occupation la plus passionnante de toutes quelques soient les conditions de terrains ou de météo.
    Hommage à Juan (1929) qui a été une figure inoubliable de notre équipe et à Laurent Plegelatte (Spartacus et importateur de ce sport en France) qui nous ont quitté trop tôt.


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