Après toutes ces années à écrire sur ce blog, la remarque
est venue de manière inattendue. « Oh mais tu dois souvent parler des
Verts ! » a ainsi lancé un vieil ami. Ben en fait… Pas du tout !
Ce qui est, après réflexion, complètement dingue. 2 230 articles plus
tard, retour à la case départ de ma passion pour le sport : Parlons des
Verts.
Enfin parlons des Verts, parlons des Verts, oui, pourquoi
pas. Mais alors évitons de parler de soccer. Faut quand même se l’avouer. Dans
toute cette histoire c’est quand même bien dommage que le groupe de supporters
le plus incroyable du Monde du sport ait jeté son dévolu sur une équipe d’un
sport aussi naze que le soccer… Mais passons. Là n’est pas le sujet. D’ailleurs
c’est la base de cette passion : Avant le foot il y a 10 000 autres
meilleures raisons de faire partie du Peuple Vert.
Qu’est-ce qu’un supporter de l’ASSE ? Difficile à dire. Il
peut être un pur gaga stéphanois qui se sent déraciné à Givors comme un gars
vivant à des centaines de kms de GG et qui n’a jamais posé le pied dans le
centre-ville de la Capitale du Forez (ce vague truc derrière le stade). Il peut
être assez vieux pour avoir connu Robert Herbin joueur ou assez jeune pour ne
pas savoir qui c’est. Il peut être assez riche pour venir voir les matchs à
domicile en jet privé via l’aéroport international d’Andrézieux-Bouthéon (si si !) et pauvre au point de se
priver de râpés une semaine pour une place Kop Nord. J’en ai rencontré de tout
type, de toute forme et vouloir en faire, comme la presse aime à le faire, un
fils de mineur de St Chamond frustré et nostalgique du passé glorieux de sa
région est non seulement réducteur mais aussi dans 99,5% des cas complètement
faux.
Pourquoi est-il là à GG ce
soir ? Voilà une question qui n’est pas plus simple que la première. Il y
a ceux qui sont là depuis 1966 et attendent le retour du Messie (ou encore
mieux de l’Ange Vert) pour revivre leurs 20 ans. Il y a ceux qui s’emmerdent
tellement dans cette ville trop proche de Lyon pour avoir sa propre vie que
venir au Stade est le meilleur moyen de commencer un week end de beuverie. Il y
a ces familles qui sont là parce que la famille est là depuis 4 générations et
qu’à force c’est imprimé dans ses gènes. Il y a ceux qui sont là pour hurler
avec les autres question de ne pas hurler tout seul chez soi de désespoir. Il y
a ceux qui savent qui de Tibeuf, Keita, Rep , Lubo ou Payet a marqué le
plus de coup francs depuis le côté gauche côté Kop Sud dans sa carrière. Il y a
ceux, masochistes, qui aiment voir tomber la neige sur leurs blousons un mardi
soir de janvier pendant que leur bière gèle dans le gobelet en plastique. Il y a
aussi ceux, les plus nombreux sans doute, qui sont là pour un peu tout ça. Le
résultat c’est qu’ils sont là. Tout le temps. Quelle que soit le classement, la
division, la météo.
Mais alors c’est un supporter de
soccer comme les autres ? Sans doute un peu oui. Et pourtant non. J’aime
pas les foules. Comme disait l’autre à partir de 4 on devient une bande de
cons. Mais pour une raison indéterminée, cet adage pourtant mille fois vérifié
depuis que les hommes ont inventé drapeaux, uniformes, partis et religions, ne
semble pas fonctionner de la même manière à St Etienne les soirs de match.
Alors oui parfois, en bon fan de soccer, le Green Angel ou le Magic fan se
conduit en parfait abruti. Mais par toujours, pas forcément. Et parfois, de
manière curieuse c’est même l’inverse. J’ai vu de parfaits connards pleurer
comme des gosses à GG. J’ai vu de parfaits inconnus déborder d’amour. Même pas
pour les onze gonzes en vert sur le terrain là-bas. Non juste comme ça. Parce
qu’ils étaient là.
On dit qu’on reconnait les grandes
équipes à ce qu’elles gagnent les matchs qu’elles devraient perdre. Dans ce
sens l’ASSE n’a jamais été une grande équipe. Même dans ses périodes de gloire.
L’ASSE est profondément marquée par la défaite. Celle de mai 76 bien sûr mais
aussi toutes les autres. J’ai une théorie pour jauger les supporters d’une
équipe : On reconnait les meilleurs dans les pires défaites et à ce titre
personne n’arrive à la hauteur du Peuple Vert.
Demandez à un habitué de GG qu’il
vous raconte ses plus beaux souvenirs « verts » et je suis persuadé
qu’il vous parlera de défaites. Pourtant les Verts gagnent plus souvent que la
plupart des autres clubs. Championnat + Coupes d’Europe confondus leur fiche
historique de 1178 victoires, 740 nuls et 835 défaites est une des meilleures
du foot français. Si l’on prend les 25 clubs contre qui ils ont joué le plus
ils ont une fiche négative contre 5 d’entre eux seulement (L’OM, Nantes, le PSG, Auxerre et Sedan). Et
pourtant ces défaites : Les Poteaux Carrés. Les Relégations. Les finales
et demies finales de Coupe de France. Ce Derby. Côte Chaude (remember Côte
Chaude quand les Verts étaient Bleus et Blancs). Louhans Cuiseaux. Oui bien sûr
il vous parlera aussi de Eindhoven, Kiev, de cet autre Derby, du 5-1 d’Alex,
des Montées et de toutes ces victoires magnifiques mais c’est quand il vous
parlera des défaites que sa voix tremblera vraiment.
On parle ici d’un club qui a
triomphé sur les Champs Elysées après une défaite quand même. Et puis les
défaites ce ne sont pas que des matchs. Ce peut être des saisons entières, des
joueurs des orteils au crâne, des actions aussi foireuses que ridicules et là,
là, le supporter vert devient unique. Qui n’a pas connu les années les plus
sombres de l’histoire du club au fond des années 90 ne se rend pas vraiment
compte de ce qu’est le Peuple Vert. Quand l’idole du peuple était Guilloux, le
bucheron du Puy. Quand les soirs de semaine, 12 000 idiots se retrouvaient
dans la bruine pour voir le Red Star marquer deux fois dans les arrêts de jeu.
Quand on pleurait une nouvelle descente en D2 après un match nul contre
Martigues (putain Martigues !). Et quand je dis pleurer c’est par milliers
de paires d’yeux à la fois, tous ensemble, dans le noir du stade qui s’éteint
après le match. Quand on rêvait de voir un Derby. Même en D2, même en National.
Quand on remplissait les tribunes… à Valence, à Gueugnon ! Quand après une
douzième relance ratée, par lassitude, un gars lançait une vanne, si possible
avec les mots « Chèvre » et « Mine » et faisait rire, de
honte, de dérision, toute une tribune. Quand lors d’une nouvelle humiliation
cuisante contre une sous-préfecture qu’ils n’auraient pas su mettre sur une
carte, ils n’avaient même plus le courage de huer et passaient les dernières
minutes à applaudir chaque touché de ballon de l’adversaire. Dépit. Et comment
tout ça a rendu, ensuite, bien plus tard, chaque succès tellement plus beau,
tellement plus exaltant.
Que de patience, que d’amour. Que
de fidélité. A quoi ? Pour qui ? Allez savoir. A eux-mêmes, pour eux-mêmes surement
en fait. L’ASSE n’est rien. Rien sans son peuple Vert. A Liverpool ils disent
« you’ll never walk alone ». A St Etienne les supporters n’ont même
pas besoin d’une vraie équipe pour marcher. A Barcelone ils sont « plus
qu’un club ». A St Etienne il ne sont pas un club. Un club par définition
exclut, démarque ses membres par des qualités supposées. A St Etienne on est un
peuple, divers, ouvert, qui est là, chez lui dans ce stade , un peuple qui est de fait Le
stade (et Dieu sait si GG existe aussi un peu partout où les Verts vont) . Je
suis membre de ce peuple. Je ne l’ai même pas choisi. C’est en moi. Moi qui ne
suis en rien patriote. Qui n’aime pas les Etats, les Nations. Je suis Vert.
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